(Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Samuel Rochery)
Il est temps de partir
à la recherche des plantes fantômes
dessine une carte précise de la forêt
et du champ dont les sentiers sinuent
à travers moulins à vent et bouleaux
toutes les fleurs ont une bouche
les lignes conduisent à un petit cercle
où tu verras les fantômes
et une horloge qui dévore ses propres mains
Les avions se déplacent à travers des nuages de cuivre
tu fabriques des objets avec tes mains
de fines bandes de papier
pliées pour donner un merle aux ailes rouges
la carte recouvre chaque pièce de la maison
une lettre attend
d’être écrite tu ne trouveras pas
les mots justes
jusqu’à ce que l’année s’effondre en un tas de lumière
Dans une autre histoire tu avales
des comprimés comme des pétales
et regarde les performeurs
jongler avec des horloges
quelque part sur la scène ton petit ami
agence tout le matériel tandis que
tu fermes les yeux au son du carillon éolien
jamais tu ne te fais de bile pour la chasse tu
n’attends rien des peintures murales d’envols
sur la scène tu oublies
d’enregistrer la neige
du silence
comme si le langage était un appareil
pour suivre pour voler pour tracer un sillon retour
Le vent détend les lignes à haute tension
tu comptes le nombre de vibrations
dans l’écho du départ
le matin devient un cratère sombre
même une particule de peluche peut arrêter le soleil
tu étudies chaque ombre
pour parvenir au bon roulement à la bonne vitesse
Dans une autre histoire tu ne pars jamais
beaucoup d’années à ne pas écrire
les mots justes
tu empiles les lettres
comme autant de lanternes
un averstissement dans l’ambition
tu essaies de te convaincre
de régurgiter
dans le mot
ghostmaker disparaît sa silhouette
tu parcours la ville presque en oubliant
Tu rêves qu’une porte ouvre sa bouche
les mots s'ébruitent comme un message
qu’on écrirait depuis un nuage
plus d’années passent
tu transportes une pierre rouge
tu te fais tatouer une carte sur les bras
et étudies le système solaire
une brûlante actualité de sonneries et de vagues
tu fais un paquet de prunes vertes et de papier
tu ramènes ton chien dressé pour tuer
Pour aider à la mémorisation de la fable sur la biche ratée
quand elle naquit
ses sabots étaient petits comme des boulons
son cou si faible
qu’elle ne pouvait boire le lait de sa mère
yeux clos des semaines durant
tu as de la veine
tu as des mains
ta bouche est puissante
Dans une autre histoire tu transportes un plongeon huard
et modèles tes empreintes digitales
ton petit ami boit tellement
trop qu’il en meurt
tu regardes le lac se changer
en champ gelé
tu te fais du souci pour les rescapés
une toile d’araignée un corbeau
les mots deviennent leur action
plus proche du brouillard du ciel bleu c’est probable
non c’est pas ciel ou lumière
c’est pas comme
des objets sans leur visage
Continue de t’enfoncer dans la forêt
tu rencontres des sortes de cerfs
des fleurs diaphanes leur poussent des ramures
les arbres ont la forme de corps
les branches ploient comme des dos courbés
des visages maculés de feuilles
tu attaches des rubans rouges à tes doigts
et t’accroupis tout près du sol
témoin de la plus triste des floraisons
ça rappelle beaucoup
des petits hippocampes sans racines
Dans une autre histoire tu transportes
une boîte dans ta bouche
dedans un oiseau chante
jusqu’à ce qu’une ampoule brille tellement fort
qu’elle remplace le feu et même le soleil
là tu apprendras
où les mots vont mourir
tout sera nouveau
et terrible en même temps
--
Suite extraite de Lost letters and other animals, Black Lawrence Press, p. 28-36, 2021.
Une autre partie de ce même livre est lisible en français sur le blog Poésie: Face B.
1. La table des correspondances
1 e é è ê tu le troues OU tu les troues OU troue-le OU troue-les
2 s tous OU tout OU tu troues
3 a à â sussure ou sussurent
4 i î plus ton toutou
5 t ce qui te précède
6 n ce qui te suit
7 r ton toutou
8 u ça ça se troue
9 l le su OU le sûr OU le lu OU le su le lu OU le su sûr lu
10 o plus ton tutu
11 d ton tutu
13 p tout ça
14 m tous plus ton toutou OU tout plus ton toutou
15 v tous plus ton tutu OU tout plus ton tutu
16 q c’est ça
17 f s’est tu
18 b tu le décortiques
19 g tu le rognes
20 h ça se troue
21 x ce qui se sait
22 ’ tu tires OU tu l’étires
23 , t’essouffle OU t’essoufflent OU essouffle-le OU
[essouffle-les
24 . t’étouffe OU t’étouffent OU étouffe-le ou étouffe-les
25 / tous et toutes
(L’ordre des éléments dépend de la fréquence des signes en français.)
2. La source
La poésie est la pensée humaine. // Le poète est intelligent. Il prépare la pensée difficile. / La pensée est engoncée, dure et pâteuse, le poète la masse, l’amollit, la réchauffe. Il entraîne l’intelligence à sortir de son engourdissement, il entraîne sa tête, les membres de sa cervelle, sa nuque et ses dix doigts à sortir. Il veut se désincruster. Il décortique la bouche et rogne le bras droit de son maître. Il s’entraîne à bouger la tête à l’intérieur de la pensée.
(Christophe Tarkos, Écrits poétiques, « La poésie est une intelligence », P.O.L, 2008, p. 57.)
3. TUTU
Le su sussure tout ça plus ton tutu tu les troues tous plus ton toutou troue-les troue-les tu troues ce qui te précède le su sûr sussure tout ça troue-le ce qui te suit tous tu les troues troue-les ça se troue ça ça se troue tout plus ton toutou sussurent plus ton toutou ce qui te suit troue-le étouffe-les tous et toutes tous et toutes le su sûr lu troue-le tout ça plus ton tutu troue-les ce qui te précède troue-le troue-les tu troues ce qui te précède plus ton toutou ce qui te suit ce qui te précède troue-les le su sûr le lu plus ton toutou tu le rognes troue-les ce qui te suit ce qui te précède t’étouffent plus ton toutou le lu tout ça ton toutou tu le troues tout ça sussure ton toutou troue-le le su sussure tout ça troue-le ce qui te suit tu troues tu les troues troue-les c’que t’as plus ton toutou s’est tu s’est tu plus ton toutou ton tutu plus ton toutou le su troue-le étouffe-le tous et toutes le su sûr lu sussure tout ça troue-le ce qui te suit tu troues tu les troues troue-les troue-les tous ce qui te précède troue-le ce qui te suit tu le rognes plus ton tutu ce qui te suit ton tutu tu le troues troue-le essouffle-le c’que t’as ça ça se troue ton toutou troue-le troue-le ce qui te précède tout ça sussure ce qui te précède troue-le ça ça se troue tu troues troue-les essouffle-les le su troue-le tout ça plus ton tutu troue-le ce qui te précède troue-le le su sûr sussure tout plus ton toutou sussurent tu troues tu troues troue-les essouffle-les le su sûr lu tu l’étires sussure tout plus ton toutou plus ton tutu le su le su sûr plus ton toutou ce qui te précède t’essouffle le su sûr lu sussure ton toutou tu le troues ton tutu ça se troue sussure ça ça se troue s’est tu s’est tu troue-le étouffe-le plus ton toutou le su troue-le ce qui te suit ce qui te précède ton toutou sussurent plus ton toutou ce qui te suit troue-le le su le lu tu l’étires plus ton toutou ce qui te suit ce qui te précède troue-les le su sûr lu le su plus ton toutou tu le rognes troue-le ce qui te suit ton tutu troue-les sussure tous plus ton tutu ton toutou ce qui te précède plus ton toutou ton toutou c’que t’as troue-le tous plus ton tutu ce qui te suit troue-le ce qui te suit tu le rognes plus ton tutu ça ça se troue ton toutou c’que t’as plus ton toutou tout tous troue-les tout plus ton toutou troue-le ce qui te suit ce qui te précède t’essouffle plus ton toutou le lu troue-le ce qui te suit ce qui te précède ton toutou sussurent plus ton toutou ce qui te suit troue-les tous sussurent ce qui te précède tu les troues ce qui te précède troue-les essouffle-les le su sûr lu troue-les tous tout plus ton toutou troue-les tout plus ton toutou tu le décortiques ton toutou troue-les tous c’que t’as troue-les tout sussure ton tutu troue-les ton toutou tout plus ton tutu troue-les le su le su troue-le essouffle-le tout sussure ce qui te suit ça ça se troue c’est ça ça ça se troue troue-les troue-les ce qui te précède tous troue-les tout c’que t’as plus ton toutou ce qui se sait c’que t’as plus ton tutu plus ton toutou tu le rognes ce qui te précède tout sussure tous plus ton tutu ton toutou ce qui te précède plus ton toutou ton toutou t’étouffe plus ton toutou le su sûr lu tout plus ton tutu troue-le ça ça se troue ce qui te précède tous troue-les c’que t’as tu les troues tous plus ton toutou ce qui te suit ton tutu ton toutou ça ça se troue tu troues ce qui te précède troue-le ton toutou étouffe-le plus ton toutou le su c’que t’as tu le troues ton tutu plus ton tutu ton toutou ce qui te précède plus ton toutou c’est ça ça ça se troue troue-le le su sûr sussure tu le décortiques plus ton tutu ça ça se troue ton tutu ça se troue troue-le troue-le ce qui te précède ton toutou plus ton tutu tu le rognes ce qui te suit troue-le le su sûr troue-le tu le décortiques ton toutou sussure tu troues c’que t’as ton toutou plus ton tutu plus ton toutou ce qui te précède c’que t’as troue-les tous plus ton tutu ce qui te suit tout plus ton toutou sussure plus ton toutou ce qui te précède ton toutou troue-les étouffe-les plus ton toutou le su le lu tout tu l’étires troue-les ce qui te suit ce qui te précède ton toutou sussurent plus ton toutou ce qui te suit troue-les sussure tu le décortiques plus ton tutu ça ça se troue tu le rognes troue-le ton toutou le su sûr lu sussure ce qui te précède tu le troues ce qui te précède troue-le sussure le su sûr lu tu l’étires plus ton toutou ce qui te suit ce qui te précède tu les troues ton toutou plus ton toutou troue-les ça ça se troue ton toutou c’que t’as troue-le le su sussure tout ça troue-le ce qui te suit tous tu les troues troue-les étouffe-les.
4. La machine à danser
5. L'instrumentalité
Les lumières d'un théorème de la pluie
me rendent aveugle, mais je tiens toujours
à ce que les oiseaux soient des parapluies
que le vent casse en boucle.
*
On peut s'emparer
du couteau
le plus émoussé
du tiroir.
On peut s'occuper de la langue
comme de l'arrosage.
Oh, ce partenariat :
les baies noircissent lentement
sur les branches d'une cuisine.
*
Il y a toujours de la blancheur qui mange quelque chose ;
une frontière imaginaire qui mord dans les images ;
un camion de déménagement qui avale les meubles.
*
Je me cache derrière l’ambulance et les sirènes
tandis que la blancheur
me traque comme on traque
les hiéroglyphes dans le tapis d’une contrée
étrangère où toutes les adresses
échappent
à leur contexte.
*
Les rues en manque de grosses pluies
ressemblent à l’intérieur moite d’une flûte.
*
Un couteau émoussé
dans la main, face
à une tomate
qui n’existe pas –
ce trou dans le son
d’une musique qui commence
c’est le sens exact –
à peine une trace
dans la doublure
d’un vieux manteau
qui aurait fait
je ne sais plus quel pays
sur mon dos.
J'avais six ans lorsque j'ai signé pour la faillite morale
J'avais dix ans lorsqu'on m'a dit que mon langage était
intrinsèquement classiste.
A treize ans, j'ai commencé à définir la gentillesse
comme « faire plaisir à ceux qui aiment ton équipe favorite ».
A vingt ans, j'ai embauché un secrétaire pour écrire
mon profil LinkedIn.
A trente ans, j'ai commencé une thérapie par la parole
à la radio.
A quarante et un an, j'ai commencé à regarder
de façon oblique en disant que c'est intérieur.
A quatre-vingt six ans, je suis un work-in-progress confirmé.
Aujourd'hui, à cent vingt ans, je suis une bien
belle boule de gomme,
et j'ai presque oublié le nombre
incalculable de nuits que ça m'a coûté,
coincé dans la chaussure de l'esprit humain,
pour venir ici et dire :
ne laisse personne t'humaniser.
Ne laisse personne souiller ton objectivité
même si des gens y mettent tout leur coeur.
CARACTÈRE SANTÉ
ALIMENTATION PRIX
ET ENTRETIEN
Regarde bien la tête que
tu fais sur cette photo
avec cet air dégoûté
qu'est-ce qui a bien pu se
passer ce jour-là je me
demande
On roulait sur des mini-
motos avec dans la tête
des images d'hélicoptères
et de lance-flammes
Toujours ces images
d'enfants décharnés le
napalm les films la belle
vie les bagnoles la guerre
les meufs Saddam le
pétrole l'ennui mortel l'été
heureusement j'adore être
seul loin de tout le monde
sur mon vélo dans les
livres la nuit
-
DRÔLE D'ÉTOILE
Un peu d'essence aviation
pour voir l'aiguille
s'envoler
Passer au drive
Sentir la violence se poser
sur nos épaules comme un
ami intime
Ne jamais craindre
d'esquinter son visage et
ne jamais rien lâcher
De Carrefour
Claye-Souilly à la gare
RER de Torcy
Il y a des jours avec
La vie blague pas avec toi
Je regarde les étoiles et je
vois du mouvement
Tout le reste de la vie sans
L'aiguille s'envoler
-
TOUT M'EST ÉGAL
On était jeune et on a
brûlé quelques galaxies
Chewing-gum blanc short
rouleaux canettes de coca
On écoute Bob Marley
Mes sentiments sont
bouées à cloches
Je marchais la nuit en
filmant sur des bandes
magnétiques
Tout est parti en couilles
Personne fait rien on peut
crever ça dérange
personne
Ça dérange pas les étoiles
Les galaxies brûlent ma
vie est un boomerang
La colère est mon clébard
et je le sors tous les jours
-
GÉNÉRALEMENT
TRÈS FRÉQUENTÉ
Dans les parcs ta haine est
suspendue partout comme
des guirlandes
Se tenir sur ses gardes
prêt à croire que tu
m'attends assis quelque
part que tu étais là toutes
ces années à m'attendre
-
VOUS AVEZ LE CHOIX
Capotes périmées film à
la critique négative plat
préparé William Saurin
cigarettes Fortuna sortie
magasins d'usine à Troyes
restaurant Ikea menu
enfant (Petit Viking)
3,75€ boulettes végétales
(8 pces) 4,95€ boulettes
de légumes (8 pces) 5,95€
boulettes à la viande (8
pces) 6,95€ plat du
moment 7,50€ filet de
poulet 7,95€ filet de
saumon 8,50€ fish &
chips 8,95€ brochette de
bœuf (origine
France) 9,95€ coup de
pied dans la gueule coup
de pied dans les couilles
coup de pied dans la
chatte
-
TOUT LE MONDE S'EN
BRANLE DE TA VIE
DE MERDE
Fan de nos boulettes végé
ou de tarte chocolat &
caramel ? Nos restaurants,
bistros et épiceries
recrutent ! Passez un
tablier et venez partager
votre sens du service et
goût du travail en équipe.
Rejoignez-nous
(Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Alain Dorval)
Pour Talia Shire
Tu nais du processus qui anime et remplace
la forme et le fond. Le processus est social autant
qu’un poème débat dans une foule. Je te parle –
réaffirme l'air entre nous qui vient aussi de transpirer.
En un sens, je me crée à travers chaque ouverture.
Voilà que des abeilles font des nids
d'abeille dans les nuages où poussent leur butin –
ce poème, jamais je ne l'avais vu en Rocky Balboa,
mais c'est bien lui parmi les gens.
D'ailleurs, je n'ai jamais connu personne du nom de Rocky.
Intimement du moins. Personnellement.
D’aussi près, je veux dire, que lorsqu’on tend la main
pour toucher une autre main. Mais j'imagine que mon Rocky
porte des lunettes avec des verres correcteurs,
un bandana à pois et un sac Tuf Wear ; il prend le bus
et colle sa tête contre le verre enduit du gras des doigts
en espérant couper le son de la conversation des gens.
Je pense au collier de perles qu'il cache
sous son col roulé, et qui devrait faire aussi classe
que le chapelet de ma grand-mère accroché
à la statue de Marie sur la commode
en érable. Peut-être que je pense juste
qu'il fait ses lacets comme on oublie son personnage.
Peut-être que le nom de mon chien c’est Rocky ;
ma mémoire, une publicité, un
blockbuster complètement nanar –
elle s'intègre à l'empire commercial des déchets.
La mer et les coquillages se reconnaîtront
quand ils auront bien enregistré pour le disque
des oreilles qu'on colle le nom de Rocky.
Je me souviens de la mer comme d'une forme
de crevasse dans chaque mot ; toi, tu avais le jeu
de jambes parfait pour animer une foule de
syllabes manquantes.
Et Marcel arrêta
de chouiner
au sujet de la poésie.
Et Marcel apprit qu’il y avait des gens bien. Et Marcel collectionna
tous les .mpeg et autres .avi de poèmes sauvés par des gens bien. 1)
On a trouvé ce poème à côté de la route, il était endolori et n’attendait
que sa fin. Mais un miracle a fait que ce petit poème soit sauvé et
réussisse à se remettre sur pied. Sa joie de vivre a démontré que rien
n'est impossible. 2) Elle passait en voiture quand elle a aperçu un poème
abandonné et elle a décidé de s’arrêter pour l’aider. Quand elle s’est
approchée de lui, il lui a directement fait la fête.
3) Un pauvre petit poème est resté tétanisé au milieu de la neige.
Il faisait tellement froid qu'il ne pouvait pas bouger.
Mais ces personnes étaient là pour l’aider et pour le sortir
de cette situation horrible. 4) Ses petits sont nés dans
de mauvaises conditions poétiques, tout ce qu'ils voulaient
c'était un peu de nourriture mais ils recevront bien plus.
Un foyer et beaucoup d'amour les attendront. 5) Il a trouvé
un poème trempé et plein de boue, il n'a pas hésité avant de
l'emmener chez lui pour lui donner un bon bain chaud.
6) Quelqu'un de sans pitié avait attaché ce poème dans
une maison abandonnée. Cette personne prétendait qu'il
ne pouvait rien en faire, mais grâce à d'autres cette
injustice a été réparée. 7) La pauvre poésie demandait
de l'aide à tous ceux qu'elle croisait mais cela paraissait
inutile. Elle avait déjà baissé les bras, mais ne savait pas
que sa vie prendrait un tournant inattendu.
8) Il a été abandonné dans les égouts par chance les sauveteurs
l'ont écouté et l'ont sorti de là. Ce magnifique poème allait
enfin connaître l'amour et l'espoir… En 2001, Marcel lance sa marque
de poèmes qui sauvent le poème :
Je m’appelle Marcel,
la poésie
ne mourra jamais
tant que je serai là.
Dans des miroirs chinois
Dans le bleu des photos
Dans le regard d'un chat
Dans les ailes d'un oiseau
Dans la force d'un arbre
Dans la couleur de l'eau
Je nous perfuserai. En 2003,
les ventes de poèmes
de marque Marcel
sont significativement plus faibles que les années précédentes.
Non pas que les Marcel ne se vendent pas, mais l’évolution de
la poésie et des poètes fait que ces derniers sont à la recherche
d’un son différent des Marcel. L’année suivante, le poème Marcel
est plus mince avec un corps en bois de Boulogne et une table de
strophes plates, et dispose d’un double cutaway qui rend les friches
supérieures plus accessibles à la dinguerie. La jonction entre
les hémistiches a été déplacée de trois friches afin de faciliter
l’accès au degré supérieur de la véracité du poème.
La fabrication d’un corps de voix simple réduit les coûts
de production, et le nouveau Marcel, avec son profil de
langue fine et son petit talon d’Achille, est annoncé
comme ayant la langue la plus rapide du monde. Bien que
le nouveau poème soit populaire, Marcel lui-même n’aime
pas le boucan, et il demande le retrait de son nom
du nouveau poème. Il reste malgré tout sous contrat
avec la poésie. Il a été photographié avec le nouveau
poème à plusieurs reprises dans des positions suggestives. A partir de 2004,
Marcel est
de plus en plus
convaincu que la poésie
consiste à écrire
de la poésie.
Pour les gens, oui, bien sûr,
mais aussi pour lui-même parce que
les gens
eh bien c'est comme plein de lui. Et aussi,
Marcel est de plus en plus convaincu
que quand il écrit,
l'alphabet lui permet de le faire.
Il lui semble raisonnable
de penser que
pour écrire, la moindre des politesses est d'utiliser
les lettres
de l'alphabet, sans crispation, décon
[ouais, on a chiadé la coupe] tracté du gland.
Marcel tient à partager ce qui lui fut révélé.
Marcel est
de plus en plus
convaincu
qu'on peut écrire
tout en respirant —
la littérature n'est pas séparée de la vie. Le poème exige une révolution intérieure,
en commençant par les narines. Les champions d'apnée, Marcel il dit que pour eux, c'est niqué :
ils ne peuvent pas écrire de vraie poésie. Marcel tient toujours à partager ce qui lui fut révélé.
Le 23 septembre 2005, Marcel se la coule douce au Poème Paradis, mais c’est aussi
le jour d’un grand chamboulement dans l’histoire de la poésie, dont nous n’avons malheureusement que le synopsis.
Au Poème Paradis,
tout le monde se réjouit à l'idée d'accueillir
Victor et ses fameuses Contemplations. Le jeune poète
compte y organiser des animations sur le thème de la
lose du monde dans sa totalité. Seul Marcel prend ombrage
de l'arrivée de Victor, qui n'est autre que l'ex-petit ami d’Homère,
auquel il n'a visiblement toujours pas renoncé. Marcel, de rage, se met
à fantasmer sur les punks à caniche. Au même moment, Henri, étudiant
en psychotropes, vient retrouver ses parents au Poème Paradis.
Sous mescaline depuis trois mois, il leur annonce qu’il va se marier,
et leur présente William, l’amour de sa vie.
Alors que sa mère est très enthousiaste, son père, féru de contemplations,
se montre d'emblée beaucoup plus froid avec le jeune Henri…
Henri trouvera-t-il réconfort auprès de Marcel ? Et Marcel, auprès d’Henri ?
Les gens ont-ils des destins ? Guy Marchand chante-t-il "Destinée" en hommage au poème
du même titre de Michaux, quand il parade devant la
Love Machine ?
Déjà, nous étions sur le plateau, déjà je chantais, j'étais aux anges dans mes câbles,
quand, m'arrivant tout d'un coup, comme l'échéance d'une dette, le malheur à la
fidèle mémoire se présenta et dit C’est moi, Guy Marchand, allons, rentre chez toi.
Et il me coupa le micro, ce ne fut pas long, et je rentrai chez moi comme on rentre dans sa langue.
(Traduit de l'espagnol par Chloé Guézo)
Papa, j’ai fait un rêve, tu creusais
huit trous, tu y logeais des enfants
et des lampes funéraires pour la chanson
de l'oiseau. On y racontait quelque chose
à partir d’une partition pour orchestre censée musiquer
une remise de prix. Les changements
climatiques étaient provoqués
par des promoteurs du grand air
contrôlant tous les systèmes : les morts
étaient digérés par la neige.
Pas d’autre choix que d’attendre
d’être un jour de supers-revenants.
Le sanctuaire enneigé de Lazare,
je l’ai toujours trouvé triste : la lumière nait
du désespoir et de la vitesse. « n’aie pas peur
de dormir, c’est nécessaire si tu veux
faire exploser la scène ». Papa,
si je dois rester [principes d’amour ;
poussière d’argent ] – je resterai
fidèle à l'intrigue plutôt que –
le hibou ! Un nœud coulant ! Janvier !
Comment se souvenir de ce dont nous avons besoin
[là tout de suite] ? De retour sur les planches,
tu ne m’as même pas offert de cadavre,
mais tu m'as bien bien rappelé que la douleur humaine
c’est un bleu qui moisit même quand la douleur nous manque,
et que nous nous marions. Oh, rassure-moi :
ça ne marche pas. Reprise, reprise
Chanson de l’oiseau : les paroles disent que
j’ai transmis ton cadeau à la nature : orage [ pluie /
neige], et que les pronostics sont ouverts : essaie
de me trouver sous une avalanche. Les premiers huit
mètres, tu auras besoin d’une bougie ;
je suis le cadeau d’anniversaire à l’état d’ébauche,
un amour que tu aurais balayé, puis caché sous la moquette
d’une « maman ». Si tu ne souris pas,
papa, je vais être honnête,
je serai au Cimetière, on se verra
demain. Et la manière de hanter
est différente sur ce type de terre :
la vie s’écoule ; il n'existe pas de photo d'elle.
La parentèle obscure est une justification
du lieu du rêve,
huit trous / pas de gâteau / angoisse
Je propose qu’à notre réveil nous commencions par tuer
la mémoire respiratoire.
La vie devrait couler avant
que nous quittions le navire. Un peu de
cyanure pour le petit-déjeuner,
et une lobotomie deux fois par jour ;
il n’y a pas d'harmonie sans contradiction,
papa. La fin de ta maladie
c’est perdre l’amour de l’art c’est perdre
l’amour qui nous expose à la débauche.
Et maintenant je suis une renarde. Tiens-moi au courant
lorsque les conditions seront bonnes pour réapparaître.
Ce vingt-neuvième numéro de Watts
a été achevé de coder
le 23 février 2023,
sur l'ordinateur de Robert Watts.