Eden Ferry minuit la côte
derrière les vagues s’éloigne, il n’a
pas dîné à terre, le
fera une fois en vol, Bill
board retentit n° 1 Midnight Inc, jette
une étincelle Tonic&Gin, Océan :
Melting Pot,
écran plasma au mur, où
Tokyo 24° es-tu
mon amour Candlelight, tape
les Informations q u i c k f r e e z e
se rafraîchit vite et Send
Email vers direction :
De : reprendre les vacances
De : In The Air Tonight
Salle de rédaction =
Ocarina Cellphones,
E V E R Y T H I N G E N D S =
tout s’éteint une fois Thank You j’applique à :
Ocarina Paradise, l’aéroport puis
Istanbul est non loin
du quartier d’affaires Em@il to :
Send à la Direction
Rain forest actualise Tropical
RainBow rafraîchir, progresse
micro-dose / Dose reflex,
en crabe dans le Niveau Six, salle de sport il soupèse
et repose, soupèse et repose, reprend
le quartier d’affaires à six minutes
de la Mauve Zone conduite DUNGA ! Village,
Feel Nappy et en perd [blank] son T-shirt [banshee],
est en taxi où River
Last Name : Phoenix
l’attend en gobant sa Blue Pills, l’attend
White Shirt, Blue Jeans, et l’Impress
De Prime abord difficile
de ne pas être [blank],
d’espérer quoi de Best
First Name : George
qu’Istanbul se Delete
du Western World & Johnson &, que
quoi que ce soit de complètement défoncé
le Performe dans la nuit, latence
Pixélisée avec les lumières, dans la nuit,
les lumières de l’airport et du
quartier d’affaires, [e t d u q u a r t i e r d’ a f f a i r e s],
[] [] [] , [] [] [] , [] [] [] , [] [] [] ,
C o m p l e x i t y d e p a r f u m s, zen, Direction =>
Synchronicity CD 1, tourne les talons
où Hazard et
Caution : Reality Entrance ET où intermittent,
le ballet Westerncore, C U B I S P H E R E =>
S A D B O Y S C L U B =>
J’ai sommeil, Unzipping the Memoriesofanunknownpast.rar, se connecte Fifty
Fifty Russian Blue, pour un observateur
aérien ; Sport maintenant
à l’étage supérieur, Send Mail to : Candlelight,
Thinking of U non-stop, de La nuit, les clignotements rouges
sont parfois verts La nuit ; de
le jour se lève
Le jour se lève vers 6 heures en été,
se déploie.doc ; Synchronicity CD 2 :
Thinking of U I guess, where are U
mon amour Candlelight, à
écran de veille Send à :
Tokyo Intel Core, revient
au point de départure & décolle
Ultrafast Wireless à l’
International Eden Ferry, rejoint Bel
Fast JFK on Boards of
Canada Loney Toons
[ . . . ]
[ I c a n’ t s t o p t h i n k i n g o f U ]
[ . . . ]
[ m y l o n e l i n e s s ]
[ i s k i l l i n g m e ]
[ . . . ]
(Traduit de l'anglais (USA) par Lise Dougé)
Prière de lire attentivement les instructions :
Les passages qui vont suivre sont des versions différentes
d’une même vie, basées sur des scenarii que vous avez évoqués
lors des consultations précédentes en vue d’une réhabilitation
en bonne et due forme de votre mémoire. Soyez attentifs
aux mots-clés soulignés, entourez le numéro du récit
qui vous semble le plus familier ou qui se rapproche
le plus de ce qui a effectivement pu se passer.
1. C’est le jour de noël. Tu as dix ans.
Papa est bourré. Ton petit frère, âgé de trois ans,
fait du coloriage sur la moquette du salon, dans le livre qu’on lui a offert ce matin.
Maman dit, en parlant de
Papa, « J’en ai marre de
toute cette merde ». Papa émerge
de son fauteuil inclinable, traverse la pièce, enjambe le petit frère, et
colle une beigne à Maman. Tu te mets à pleurer,
et tu penses au 45 mm planqué sous les coussins du canapé. Papa se met à
tabasser Maman tandis qu’elle
lève les mains, et ils se retirent tous les deux dans la cuisine.
Tu attrapes le téléphone et tu appelles ton Grand-Père. Il
répond qu’il ne veut pas être mêlé à ça.
2. C’est le jour de noël. Tu as dix ans,
mais tu te sens plus âgé. Papa est bourré,
et il aide Petit frère, qui a trois ans
et qu’il appelle parfois « Pas mon fils », à colorier l’intérieur des motifs.
Maman demande poliment comment
c’est possible qu’on disparaisse pendant cinq heures après avoir dit qu’on sortait
juste « prendre l’air », pour réapparaître en titubant.
Papa sourit et
explique très gentiment qu’il a senti monter en lui une crise d’angoisse
et qu’il a eu besoin de sortir un moment au cours
duquel il a rendu visite à son frère.
Maman se contente de sourire en guise de réponse.
Tu vas t’asseoir sur le canapé, le volume du 45 mm sous les coussins fait
que ta cuisse droite est légèrement surélevée par rapport à ta cuisse gauche.
3. C’est le jour de noël. Tu as dix ans,
mais tu te sens beaucoup plus jeune. Papa est sobre,
et il se prélasse dans son fauteuil en regardant des personnalités
de la télé faire les fous dans l’émission Notre Père qui êtes aux Cieux.
Il lui arrive de vociférer un bon gros « Amen » devant l’écran.
Petit Frère lui pose des questions au sujet
du ravissement, et il s’entend dire qu’il n’est pas un assez bon fils pour qu’il
« monte au Paradis ». Maman est bourrée ;
elle intervient : « Mes garçons, aucun de vous n’ira en enfer, j’irai à votre place. » Le
visage de Papa vire au cramoisi, et il
lui dit de ne plus jamais parler comme ça. Tu observes à quelle
vitesse son expression change, et ça te rappelle la vitesse avec laquelle une balle de 45 mm quitte le chargeur.
4. C’est le jour de noël. Tu as trente
ans, et tu sais ce qui va se passer. Papa
est bourré, il s’assoit dans son fauteuil inclinable et il déclare « Voilà, j’ai fait ce que
j'avais à faire pour aujourd’hui ». Petit Frère,
qui sait compter jusqu’à trois, a choisi un crayon de différente couleur pour
chaque membre de la famille et il s’est mis dans un coin pour nous faire le portrait. Maman s’apprête
à contester. Tu sors le 45 mm de sous le coussin et tu tires deux balles dans la tronche à Papa.
5. C’est le jour de noël. Tu n’es
pas bien sûr de ton âge. Papa
est parti depuis quelques heures et il ne rentrera pas avant demain matin.
Tu es assis à côté du Petit Frère
sur la moquette du salon, et il brandit trois doigts, en prétendant qu’il est un génie.
Il dit que tu peux faire trois vœux. Tu te demandes c’est à qui de tirer sur
les rôdeurs quand Papa n’est pas à la maison.
Tu entends Maman qui sanglote dans la cuisine, alors qu'elle
est au téléphone avec Grand-Père. Tu demandes à
Petit Frère de te dire en premier
quels sont ses vœux à lui. Il répond qu’il n’en a que deux : un pour que Maman ne pleure
plus jamais, un autre pour que Papa prenne l’air pour toujours.
6. Ça pourrait être le jour de noël, mais
c’est aussi tous les jours d’avant et tous les jours d’après. Tu as entre dix ans
et l’âge que tu as aujourd’hui, un jour parmi n’importe lesquels.
Papa est décédé après
avoir mélangé deux plaquettes de tranquillisants avec un pack de 24 qui l’avaient plongés dans le coma.
Petit Frère a surmonté
la colère qui l’habitait enfant et ne comprend pas pourquoi tu as
fracassé le crâne d’un motard à l’aide d’une bouteille
tandis qu’il battait sa copine sur la place d’un parking.
La dernière chose que Maman t’ait dit
est « Qu’est-ce qui ne va pas ? », avant de mourir étouffée par une infection des poumons.
Tu es bourré, et tu pénètres dans le cimetière en titubant.
Tu mets un peu de temps avant de trouver
la tombe de Papa, puisque
tu n’étais pas à son enterrement. Tu sors le 45 mm de ta ceinture en t’éloignant
de la tombe et tu tires douze coups. Les colombes gravées dans le marbre explosent, mais ça ne saigne pas.
I.
Parfois le matin j’attrape le jus d’orange et je le bois au carton.
Je bascule ma tête en arrière
et la cuisine m'indique
la direction de tous
les hymnes matinaux.
Par exemple on peut mourir en poète dès maintenant,
la tête dans le four.
II.
Les gens de ma famille sont assis à la petite table
qu’on a collée sur la longueur contre le mur de la cuisine.
C’est là que nous discutons politique avec mon frère.
C’est là que nous discutons
langage avec mon frère.
III.
Mon frère ne possède rien, par choix.
Son dénuement est un accord passé avec Dieu.
Je trouve son discours pesant et je me contente de le regarder
tandis que tournent
des mouches autour du fruit au sirop.
IV.
Mon frère possède énormément de choses, par choix.
Son capital est un accord passé avec Dieu.
Je trouve son discours pesant et je me contente de le regarder
tandis que tournent
des mouches autour du fruit au sirop.
V.
Cette maison a été construite dans les années vingt.
Il n’y a pas de rats.
Je regarde par la fenêtre et j’aperçois les voisins ;
leur maison,
c’est aussi les années vingt.
C’est une chance d’avoir des bougies
et de pouvoir tâtonner dans une cave.
VI.
Notre seul téléphone se trouve dans la cuisine. Il est équipé
d’une sonnerie qui nous prévient lorsque quelqu’un appelle,
mais nous n’y touchons pas.
Le répondeur a enregistré une voix de femme.
VII.
J’ai entendu dire que le réfrigérateur ne produisait pas d’air froid.
Plutôt,
il expulse l’air chaud.
Je suis assise avec cette idée sur mon lit jusque très tard ;
les réverbères de la rue entrent par la fenêtre.
VIII.
As-tu entendu les enfants invisibles
qui dorment sous la table ?
Je leur ai loué des images mentales
pour un mois
et j’attends qu'ils m'en parlent.

Hello Emma
Tu mets de la lumière
J'imagine te connaître et je
ne sais pas qui tu es
Les rivières reviennent sur
leurs pas
La vie brille en gouttes
d'eau sur le fil à linge
Quand est-ce qu'on part en
vacances ?
C'est l'enfance de l'art on
fait ce qu'on veut
-
Hello Emma
Où est-ce que tu vas quand
les dinosaures reviennent ?
Je marche dans les cratères
de la Lune
Je vois les ombres qui
divisent la Terre
Nous sommes jumeaux
Où est-ce que tu vas quand
tous les mammifères ont
disparu ?
-
Hello Emma
Je regarde ta main qui
dessine sur la feuille et tes
doigts qui avancent
comme une bête sur mon
cou
Un smiley entre les deux
yeux
Juste nos yeux
-
Hello Emma
Les poèmes marchent à la
queue leu leu sur les
chemins de la fourmilière
Ils hurlent à la
lune des
mots qui sont des gouttes
d'eau
-
Hello Emma
Ma tête est trouée
Les courants d'air font
siffler mes trous de nez
Deux notes pour deux
portées
-
Hello Emma
Les poèmes sont ce qui
peut arriver de mieux
C'est un vol à la tire
Les lunettes de soleil à
verres violets très sombres
reflètent ton prénom
-
Hello Emma
Le soleil brille sur toi
Je vois ton corps qui exerce
son étrange attraction
Je vole des glaces dans les
supermarchés quand il
fait froid
-
Hello Emma
Deux syllabes parfaites
Des tattoos sur les doigts
Plus jamais de réalité
De zéro à septembre
-
Hello Emma
Je marche dans un champ
de cosmos
Je marche je glane un
melon
Une guêpe me pique sous
l'oeil
Un chien me renifle les
rouleaux
-
Hello Emma
En verlan c'est Maé
Tout le bizarre dans une
barre chocolatée
Le père Noël met des
petites culottes et des
soutiens-gorge
Tout le monde aime se
faire enfiler
-
Hello Emma
Mes Nike Air dans la
machine à laver
C'est l'heure de ta fessée
Je vibre comme un
téléphone portable
On dirait que j'ai envie de
clamser
-
Hello Emma
Je suis complètement
débile
« Le babil débile du
babouin nubile »
Je pense à des sous-
vêtements
C'est l'heure d'écrire un
dernier poème et de vivre
-
Allô Emma c'est moi
Comment est-ce que tu vas
?
J'ai retrouvé des morceaux
de moi sous les meubles
C'est quand je fais mon
autoportrait avec un Bobcat
Je ne suis pas subtil
Je fais le bourrin
-
Hello Emma
Ton prénom est devenu
mon amorce de poèmes
Je le jette dans le lac
comme une boulette pour
appâter
Et ils arrivent comme ça
C'est de la magie
C'est la pêche mon abricot
-
Hello Emma
Demain je prends le train
et je vais avoir plein de
temps pour penser à toi
Je vais écrire que je porte
des Nike Air sous une pluie
d'éclairs
Des trucs qui font
fantasmer comme
J'ai les pétons qui tointent
-
Hello Emma
Je ne me lasse pas de lire
ton prénom
C'est un poème dans le
poème
Qu'est-ce que tu voudrais
faire avant de mourir ?
Je voudrais retourner d'où
je viens
Je voudrais réussir à lire
Ulysse
Je voudrais écrire sur sa
tombe
-
Hello Emma
Toute la vie
Toute la nuit
Les cheveux noirs
La peau blanche
Quelques mots simples
Un ciel étoilé
Dans mes yeux
Dans le marbre voie lactée
-
Hello Emma
L'amour
Regarder le ciel dormir
Caresser les oiseaux
La nuit est un chemin
qu'on écoute
Je me suis ouvert les
poings
Pourquoi ai-je fait ça ?
-
Hello Emma
C'est la semaine de Noël
J'ai laissé mon visage
comme un visage de gisant
Je touche pas aux boules
sur le sapin mais tu fais
comme tu veux
-
Hello Emma
C'est ma journée fatigue
Je pense à tous les Noël
passés
À la nuit qui tombe à 17
heures
Aux arbres sans feuilles
C'est pas chouette
J'ai pas pris le bon train
J'en ai marre du train
Je voudrais une caisse pour
tout salir d'une fumée bien
noire
-
Hello Emma
La nuit est calme
Partout des yeux gris
Je vois les chouettes
effraies
Cette vie a les vertèbres
qui partent en poussière
Je suis revenu
de la Montagne Du Brocolis
la belle montagne montagneuse du Brocolis
ब्रोकोली के सुन्दर पहाड़
c'est son nom
qu'on
l'appelle comme ça
brokolee ke sundar pahaad
on dit ça (si tu sais pas lire le vieil Babylomayaraméen)
on dit ça parfois sans faire de bruit
le regard vide les yeux vides les cheveux vides
brokolee ke sundar pahaad
les dents en fil dentaire vers le
fond du précipice
brokolee ke sundar pahaad
parfois aussi on dit ça en
dilacérant (lacérant)
des sushis glacés et des fraises des bois banales
ou des morceaux de singe grillés mais c'est pas bon
(à part en chips)
(ou dans une soupe à l'endive pré-cuite)
(avec de l'être jeté-là d'emmental sommaire)

Je suis revenu
de la Montagne Du Brocolis
j'ai vu dans la vallée
des ours fortement imberbes
on aurait dit des pâtes à pizza
rageuses béantes
j'ai vu des
opossums oppressés
qui somnolaient à l'ombre ronde des ronces grasses
on aurait dit tes dix doigts oléagineux
après un
Bicky Burger sauce Bicky à Dottignies

Je suis revenu
de la Montagne Du Brocolis
la belle montagne du Brocolis
le dicton dit
ரவியோலி வடிகால் ஒரு பெட்டி
போன்ற வாழ்க்கை ஆனால்
ப்ரோக்கோலி ஆன்மா உள்ளது
(Une boite de ravioles égouttées
La vie comme ça mais
Le brocolis a une âme )
Ô paysage grandiose vachement vert
tu colles à la rétine
comme un panini de Paolo Maldini brillant ou d'Homer Simpson pétant
il fut midi alors
je mangeai
mon sandwich long comme un sanglot au jambon
tandis que des corbeaux couleur seigle picoraient
la peau morte des peaux-verts
la peau morte des peaux-verts de la Montagne Du Brocolis
qui auto-pousse
trop vite
alors les peaux-verts auto-muent non-stop
pelant partout des peaux
et les corbeaux qui ont la couleur du seigle y viennent tout engloutir
comme des mies pains
des mies de pain de mues de peau de peaux-verts

Je suis revenu
de la Montagne Du Brocolis
je me suis cassé la jambe
même pas fait exprès en plus
mais gravir à fleur de flanc la fleurette
c'est casse-gueule
(la fleurette c'est le truc vert frisé)
j'avais pas mal mal
comme si on m'avait écossé de loin de part et d'autre
un type m'a soigné avec
des pommades douces et une scie électrique
c'était un shaman
peut-être
un Des Grands Faiseurs De Potions Atropiques Lecteur Des Tripes De Saumons Sacrés Sucrés Salés
Corps Hôte Des Mânes Du Manitou
(même qu'il était habillé en jogging Mr. Lenoir)
(la marque de vêtements de Djibril Cissé)
(mais qui a fait faillite)
il m'a dit :
다리가 스파게티처럼 구부러져 있다면 바다 염소 눈물샘이
섞인 유제품을 순수한 감각으로 전달해야합니다
(Si vos jambes sont pliées comme des spaghettis, vous devriez passer la laiterie infusée de glandes
lacrymales de chèvre de mer au sens pur)
(WTF ?????)
WTF

Je suis revenu
de la Montagne Du Brocolis
j'ai des souvenirs plein la tête
mais je vais pas tout spoiler pour ceux et celles et ceuxes qui veulent y
aller
allez-y
des bisous.

(Traduit de l'anglais (USA) par Chloé Guezo)
Rendue au milieu de la cinquantaine, il y avait tellement de pièces.
La pièce du Poisson-chat de mon enfance, d’où je lançais mes filets.
La pièce du Filet de Pêche de mes vingt ans, où je me faisais la main.
Il y avait une pièce remplie de cœurs, d’humains comme d’animaux.
Il y avait ton cœur, bien sûr, palpitant, chaud.
Surtout, de vieux amis traversaient mes rêves.
Anett promène son chien, Paula arpente la plage.
Zoé et moi écrivions sur l’impression qu’il y a plus de jours passés qu’à venir.
Nous pensions que ça nous convenait, mais peut-être que non.
Coup de sifflet du train qui souffle sa vapeur.
J’ai fait des choix nazes.
Par la suite, il y en a eu plein qui ressemblaient à de la sagesse.
Je savais que je voulais du gâteau, et donc j’étais contente d’avoir
[ une pièce pour le gâteau.
Aussi, la plupart des pièces avaient des fenêtres, et j’aime la lumière.
J’avais pris un peu de poids mais je continuais de dormir.
Je me demandais si je ne sombrerais pas bientôt dans la mélancolie.
Dans la pièce des Bougies, je comptais 45 bougies.
Et lorsque je voulais que quelque chose grandisse, j’en comptais une de plus.
J’avais besoin de rappeler ma mère.
Je n’ai jamais voulu que ma mère meure.
Elle m’a mise au monde il y a 45 ans.
Donner naissance est indiciblement douloureux.
Pendant longtemps, ça me semblait mieux de ne pas nommer les choses.
Mais par la suite, je voulus donner un nom à toutes les choses.
La pièce du désir, la pièce du confort, la pièce du mari.
Il y a des poèmes que je veux qu’on lise à mes funérailles.
Dans la pièce du cœur il y a les cœurs de deux chats que j’ai tenus pour morts.
Je suis toujours mal à l’aise avec ça, ainsi qu’avec d’autres choses.
Claire fait bouillir des œufs qu’on va manger.
J’ai tendance à commencer dans le passé pour arriver au présent.
Je dis à mes étudiants que j’ai besoin d’espace.
Pressez la touche Entrée que je leur dis.
Je presse la touche Entrée.
J’irai me baigner, même si je ne sais pas nager.
Je chanterai une chanson, même si je ne sais pas chanter.
Il y a une chambre de baise et une chambre de pleurs.
Il y a une pièce où je ne fais rien d’autre que plier le linge.
Je t’écrirai aujourd’hui une lettre et j’y insérerai des fleurs.
Ce sera tellement triste, une minute, lorsque mourra l’une de nous.
Nous serons genre, attends, c’est dimanche, où es-tu ?
Et après, quelqu'un d'autre mourra, et encore quelqu'un d'autre.
A la longue, ce ne sera plus triste du tout.
Ce sera juste comme sont les choses.
Il y a une pièce où les choses sont justes ce qu’elles sont.
Je suis là maintenant. Je m’écris un poème d’anniversaire,
Et puis j’ouvre la fenêtre pour faire entrer un peu plus d’air.
(Traduit de l'anglais (USA) par Samuel Rochery)
Nous essayons de fabriquer du sauvage
différent avec de nouvelles règles. Le ciel
comme sol, le nuage comme lac.
Nous décidons que tous les animaux
ont leurs propres secrets.
Depuis le balcon j’observe
le trottoir et j’imagine
une bouche ouverte dessous.
Je porte le jour comme une cloche
lumineuse dans ma gorge.
*
Nous vivons dans une maison où chaque animal était notre mère à l’origine. Les bateaux de papier s'accrochent à une forêt de portes et le ciel est un domaine sans limites de plumes grises. Une nuit un renard nous aboie dessus, tu aperçois le bout de sa queue blanche et puis il n’est plus là. Ne sommes-nous pas tous des fantômes furtifs tentant de nous installer à l’intérieur de la nuit ? Chaque arbre est son propre langage éclairant. Tu t’assois par terre comme une personne nouvelle. Il y a des horloges et un train miniature fait le tour de la pièce. La lumière brille dans la paume de ta main. Quel tout petit carré de rose. Le cœur est aussi comme ça. Si nous sommes très calmes et que nous ne parlons pas. Si nous faisons ça en dehors de l’amour.
***
Je me réveille et je me trouve
avec des plumes turquoises dans la bouche.
Sous mon oreiller un papillon déploie
suffisamment ses ailes pour me couvrir
le visage. J’essaie de localiser
l’endroit à la base
de mon cerveau. Je pense que je vais
trouver mon enfance ici.
C’est comme si rien ne s’était passé
ou bien es-tu mort et je ne t’ai même
jamais connu ?
J’aurais aimé avoir fait ce gâteau.
Parfois j’oublie
où vont mes mains.
*
J’apprends que les arbres peuvent être comme des gens mais je ne le crois pas.
Plus tard je déplace les plantes autour de moi, attends le bus dans le froid,
écris un email, commande une pâtisserie. Vais dans la salle à manger et remarque que
le canari devient nerveux lorsqu’il se voit dans le miroir. Je n’arrête pas de
regarder mon doigt qui te désigne. Quand j’entends que je devrais me préparer
au blizzard j’arrête le film et je rampe jusqu’au lit. Dis-moi quelque chose que je ne veux pas entendre.
Le sol brille d’une herbe acérée, des fraises poussent à travers la neige. Comment me maintiendrai-je au chaud ? Toutes les parties du corps n’ont pas besoin de chaleur.
***
Essaie de penser aux voyages
que tu as toujours besoin de faire.
Pas dans l’esprit avec ses
répétitions débiles. Ecoute
le canari chanter
ses chansons comme des petites pierres
qu’on jette contre la vitre.
Les rideaux bleus se changent en ciel.
Même les arbres portent des miroirs.
Une ombre bouge.
Dehors un chat propulse
une souris dans les airs.
*
Peut-être qu’un autre verre m’aidera. Ta veste est toute de fourrure blanche et j’ai des petits
gâteaux dans mes mains. L’après-midi nous sommes deux fiers paons bleus qui nous promenons par un beau jour d’été. Il y a des nuages au-dessus de nos têtes, une maison blanche surplombe les montagnes, une route poussiéreuse coupe une prairie en travers. J’aime quand les volets rouges pivotent à vide, pour calfeutrer les fenêtres. Je ne suis pas sûre d’avoir besoin d’un photographe, peut-être qu’il me suffit de me souvenir de chaque angle de lumière. N’avons-nous pas tous nos moments sombres ? Je regarde les jours défiler comme si j’étais au cinéma. Mon cœur bat autant qu’hier.
***
La nuit dernière j’ai rêvé
que nous traversions un musée
et tu as dit emporte le tableau
sans lequel tu ne pourrais pas vivre.
J’ai choisi celui de la femme
assise dans un champ,
ses mains coincées
sous les genoux.
Je ne réfléchis plus tellement
à la signification depuis longtemps.
*
Je me promène dans un champ de marionnettes qui sont en grande conversation avec le soleil.
Qu’ont en commun un coude et un doigt ? On utilise les bras comme des outils,
les mains sont des papillons punaisés sous du verre. Tous les noms dont j’ai besoin
de me souvenir ainsi que les débuts de matinée me font peur. Un ciel bleu sans nuage quelque part,
mon petit cadeau à moi que j’enveloppe dans du papier couvert de merlebleus. Regarde ce sont les
pièces que j’ai emportées avec moi, des jonquilles miniatures amassées dans les coins. Mes mains s’ouvrent
comme deux yeux qui ne clignent pas ou comme des soucoupes vides.
***
Combien y-a-t-il ici
de commencements ? Un cerf te suit
jusqu’à ce que tu deviennes
le cerf et ensuite
tu sais ce que ça fait
de te cacher dans les profondeurs de la forêt.
Les souvenirs ne te reviendront pas
comme un buisson rempli
de boutons de porte.
S’il te plait ne te perds pas
dans les bois. Parfois
ce qui est parti est aussi bien mort.
Suite extraite de Lost letters and other animals, Black Lawrence Press, p. 28-36, 2021.
Une autre partie de ce même livre est lisible en français sur le blog Poésie: Face B.
Ce vingt-huitième numéro de Watts
a été achevé de coder
le 6 août 2022,
sur l'ordinateur de Robert Watts.