Viens cher
faisons un X avec l’ongle
du moindre mal et ce sera
comme idée hors service
ou comme dire « c’est ça »
ou « tu me fais rire »
ou « éventrer »
Comme la provenance
de « d’où vient ? » ou de
ce rouge quand tu l’enlèves
tout est lumière et vert
et foncièrement merdique
un mouvement ferme
et immobile
à travers rectangle
homologué
Par ici viens
par les poils à suivre
et par la face
quelque peu mâchouillée
Par ici hélas tout
par poils et abri de fortune
Si on se réchauffe et si
on se brûle face et dents
Ces champs sont si et ces
cieux sont si
Assoyons-nous
une fois ne voudrais-tu pas
une fois ou juste assis
Poils et postillon sur face
et dents tout
abri de fortune
Ton renard flotte. Ton balbuzard jeûne et ton morse pâlit.
Ton renard suggère et ton balbuzard tombe. Ton morse renie
et ta mouche noire accepte. Ton morse hésite et ton renard
refait. Ta mouche noire sous-entend et ton morse se fatigue.
Ton renard flotte et ton achigan jeûne. Ton renard pâlit et
ta mouche noire suggère. Ton achigan tombe et ton renard renie.
Ta mouche noire accepte et ton lièvre hésite. Ta mouche noire
refait et ton achigan sous-entend. Ton lièvre se fatigue et ta
mouche noire flotte. Ton achigan jeûne et ton orignal pâlit.
Ton achigan suggère et ton lièvre tombe. Ton orignal renie et
ton achigan accepte. Ton lièvre hésite et ton omble refait.
Ton lièvre sous-entend et ton orignal se fatigue. Ton omble
flotte et ton lièvre jeûne. Ton orignal pâlit
et ta tourterelle suggère. Ton orignal tombe et ton omble renie.
Ta tourterelle accepte et ton orignal hésite.
Ton omble refait et ton raton sous- entend.
Ton omble se fatigue et ta tourterelle flotte.
Ton raton jeûne et ton omble pâlit.
Ta tourterelle suggère et ton carcajou tombe.
Ta tourterelle renie et ton raton accepte.
Ton carcajou hésite et ta tourterelle refait.
Ton raton sous-entend et ton chevreuil se fatigue.
Ton raton jeûne et ton carcajou pâlit. Ton chevreuil
suggère et ton raton tombe. Ton carcajou renie et ton
balbuzard accepte. Ton carcajou hésite et ton chevreuil
refait. Ton balbuzard sous-entend et ton carcajou se fatigue.
Ton chevreuil flotte et ton morse jeûne. Ton chevreuil pâlit
et ton balbuzard suggère. Ton morse tombe et ton chevreuil
renie. Ton balbuzard accepte et ton renard hésite.
Avec réserve
et un peu de crachat
avec du crachat, respectueusement
et un peu de réserve
respectueusement !
Respectueusement, avec du crachat
sépare-toi en deux
avec du crachat
sépare-toi en quatre et en cinq !
Avec du crachat, respectueusement
sépare-toi en au moins dix à onze litres !
avec réserve, et un peu de crachat
sépare-toi en treize à dix-sept bénédictions dépareillées !
Respectueusement, avec du crachat
sépare-toi en onze bénédictions relativement homogènes !
avec du crachat, respectueusement
avec réserves de dix à onze litres
Respectueusement, avec du crachat
et avec réserve
le site de Simon Brown : http://simonmbrown.blogspot.fr
Traduit de l'américain par Samuel Rochery
« Il rêve au centre d’un système clos comme le système carcéral,
ou un système d’amour, où les contes folkloriques, les recettes
et les habitudes ménagères réfèrent au labyrinthe dont ils sont issus. »
- Thom Gunn
« l’Etat s’investit à fond
dans des gens qui croient que l’abolition
est un rêve lointain, mais la démolition
des prisons et des cellules et le « vivre,
tout de suite » ne sont pas deux choses séparées -
ils représentent la totalité de la vie d’une personne…
On mise énormément sur nous, sans nous connecter les uns aux autres »
- Reina Gosset.
Nous essayons
de comprendre ce qu’est l’empathie ;
elle n’est pas parfaite,
elle ne fera pas
qu’on se soigne entre nous
mais elle peut nous déstabiliser.
Nous essayons de comprendre pourquoi
ça effraie celui qui écoute
de ressentir la peur d’un autre
pourquoi plus notre réalité
est insupportable plus
nous justifions le fait qu’elle continue
et mon étudiant dit Oh
je vois, c’est comme les prisons :
nous avons tellement peur d’aller
en prison que nous trouvons
des raisons pour lesquelles d’autres
y sont à leur place et pas nous.
Nous refusons de penser
que nous pourrions y finir
avec eux. S’ils y sont à leur place
alors nous sommes en sécurité.
Poème paru dans la revue Queen Mob's Tea House. Le site de Charles Theonia : http://www.charlestheonia.com
1 • What is a watt ? • 0'29
2 • Say what again ! • 0'42
3 • What is what • 1'07
Crédits :
1, 2 et 3 • Samples, basses, mix : Samuel Rochery.
3 • Guitare-larsen : Guillaume Fayard.
Ecouter sur SOUNDCLOUD

Photomontage : S. R., à partir de la pochette de l'album Spiderland, de Slint.
Le grand thème des films d’horreur
C’est que tu vas bientôt mourir.
Et tu vas pas aimer ça.
On va confisquer ton sang.
On va te couper le souffle.
Avec sac ou un couteau.
On va venir du désert te trouver, rien que toi,
une nuit où tu sortiras les poubelles.
Les mecs que j’aime essaient toujours de me filer le virus de l’horreur.
Ils me décrivent leurs petites peurs
et moi j’en n’ai rien à foutre.
Ça me rase d’avoir peur
comme aller à l’école pour être tuée
ou me faire dépecer par Hannibal Lecter.
Et la morale de l’histoire c’est toujours : bouh !
Pour autant que ça me touche les enfants perdus devraient rester
coincés dans le réservoir d’eau de pluie, en infusion pour l’irrigation
d’une eau communale pleine de leurs parfums idiosyncrasiques.
Pour autant que ça me touche les tronçonneuses peuvent rester
dans leur racks et les belles nanas, qu’elles sortent sans crainte !
Dans les films d’horreur personne ne baise,
et quand ça arrive c’est toujours
{ici, musique glaçante}
dans un cimetière ou une voiture en panne au bord de la route
tandis que de grands pins noirs tremblent tout autour.
Maîtres d'hôtel en pétard, psychiatres devenus mabouls, gardiens
de la chaudière de la centrale à vapeur, mères au foyer, enfants plus
gros que des requins de taille adulte, figures de l'horreur dont l’intellect
se réjouit machinalement.
C’est pas juste que j’aime pas avoir peur
c’est que je ne vois pas l’intérêt
de regarder quelqu’un mourir pendant deux heures.
Ça me gave de regarder Nicole Kidman étrangler son enfant incollable sur son passé jusqu’à la mort.
Ça me gave de me balader avec ce sac en peau d’homme à la main.
C’est, genre : imagine-toi vivant dans un monde où les femmes et les enfants
tuent des gens avec le même rendement que les hommes !
Enfant, ma plus grande peur c’était de me faire découper à la hache.
Jusqu’à ce que j’apprenne à me détendre et à aimer le meurtre.
Ce petit clin d’œil de la lame du fou furieux
c'est comme la lumière du soleil mélangée avec ma tête.
J'ai entendu dire qu'il faut manger les animaux, se les incorporer en essayant
de se représenter leur rapport au monde, en mâchant bien leur Umwelt, leurs perceptions,
la façon dont ils écrivent leur histoire, surtout les espèces rares en voie de disparition,
se régaler de lynx, de visons, de guépards et d'anguilles, en alternant
avec de délicieuses préparations véganes, ressusciter les dodos à partir
de leur ADN pour les exterminer une deuxième fois, une fois de temps en
temps, pour les fêtes, commencer par le menu : la classification phylogénétique
des espèces, ne négliger aucun animalcule, cuisiner chaque vivant qu'il soit fade,
fatal ou d'une saveur insoupçonnée, inclure dans la préparation, la dégustation
et la digestion sa biologie, ses comportements, son écologie et son rapport
aux systèmes humains, voir chaque vivant en même temps dans son monde et
dans l'assiette, rendre à nouveau réels les animaux que l'on mange,
bannir « la viande », « le poisson » du vocabulaire gastronomique,
servir les animaux entiers, figés dans leur ultime souffrance,
avec des garnitures qui restituent l'entièreté de leur biotope
ou des lieux où ils sont concentrés, jusqu'aux fumiers qui saturent
l'air des box d'élevage, et si le corps est apprêté, émincé,
dissimulé en ragoût ou en pâté, donner à voir au mangeur
la mise à mort et l'écorchage, qui devraient aussi figurer
dans les motifs qui sous-tendent son appétit, s'agirait-il
du vidage des sucs d'une paramécie. Qu'il en soit des veaux comme des huîtres
lors de la curée familiale
que les mangeurs d'animaux
loin de cesser de le faire
se regardent au moins en face
c'est-à-dire dans la chair de leurs victimes
comme l'animal qui s'incorpore un autre animal
et avec lui toute l'histoire du vivant
depuis sa première morsure dans le monde
jusqu'à son actuelle syntaxe
SILENCE, ANIMAUX
ANIMAUX : IMAGINEZ
des crabes albinos
dans la fosse des Mariannes
au chien domestique
des êtres sans notion
de nos lois écrites
non écrites
hors-la-loi
J'apprends à parler
aux bactéries qui vivent dans mon tube digestif
pour les entendre
il faut zoomer sur le grain moléculaire de la voix
à l'endroit où la bande originale du monde
plonge dans le bruit de fond inaudible de l'être
entendre la voix qui se tait quand tout parle
de la pierre au moucheron le plus bruyant
SILENCE, ANIMAUX
ANIMAUX : IMAGINEZ
Le rôti d'être un porc mi-viande mi-homme a réintégré son corps. Près de l'étal du boucher il est indiscernable
d'un gigot, d'une entrecôte. Quand il vous applique sa main sur la joue, ce n'est pas
très loin du contact du cervelas, de l'escalope. Quand il cuisine,
on se prend à surveiller qu'il ne mêle au repas un peu de ses parties intimes.
Ses yeux pleurent de la graisse d'oie, sa conversation vous barde,
vous nappe, vous encroûte sous une épaisse couche de suint-gnifiant.
ANIMAL MORT : IMAGINEZ. Il a tapissé les toilettes
avec ses tripes. Le rôti d'être un porc se mange lui-même et ses salaisons repoussent.
Il vous sert son opinion en tête de veau, avec une vinaigrette extraite de ses glandes
sudoripares. Ses baisers sentent la salade de museau.
Il a trouvé des condiments sous ses doubles mentons,
son tablier de sapeur et se fait régulièrement péter la sous-ventrière
pour en répandre le contenu sur la table et l'ingérer à nouveau
en l'arrosant de mauvais vin rouge, au préalable. ANIMAL MORT : IMAGINEZ.
Le rôti d'être un porc mâchonne indifféremment ce qu'il y a dans la soupe
et ses bas-joues qui font trempette. Il juge un aliment bon quand il peut y reconnaître
sa propre viande. Rien d'autre ne le préoccupe que la transe de ses organes.
Quand il ne mange pas le rôti d'être un porc, il médite la conversion
de la nourriture en ce qui l'incarne.
le goût de son corps
est la conscience qu'ils a de lui-même
et il se délecte à l'idée de le substituer
à l'appréciation que vous avez du vôtre
les steakborgs aiment manger
jusque dans votre bouche
où les aliments à moitié mâchés
servent de garnitures
au morceau de choix de votre langue
ils poivrent votre élocution
d'un je-ne-sais-quoi de glande
un musc qui signifie
qu'ils ont leurs entrées
dans votre phonation
c'est une des voies par lesquelles
ils attirent les autres
dans l'être-viande
dans l'êtreux
dans l'être-on
pour en faire la chair à canon du monde
--
TELEPHASME • Boléro Umwelt • 4'05
Crédits :
Fernand Fernandez : Texte, voix.
Reno : boucles, piano, guitare.
Ecouter sur SOUNDCLOUD

Dessin : Fernand Fernandez
Mais comment ça se propage ?
La question ! Réponds à la question imbécile !
Quack ! Quack !
Ce sont des questions adressées au gouvernement.
Ce sont des questions adressées aux citoyens.
Et les gens voudront savoir. Ils s’intéressent à ce genre de choses.
Ils voudront savoir comment c’est arrivé plutôt que pourquoi
ça devait ou devrait nécessairement arriver comme ça.
C’est une enquête d’action, un scan panoramique qui commence.
On mettra des sondes partout où l’on peut.
On évitera de se tremper dans le formol pour fixer les échantillons.
La maladie est une pratique familiale de symptômes qui courent
et se répandent dans la famille.
On se rappelle sa cousine qui pleurait de douleur
dans le noir. Sa mère pleurait aussi parce qu’elle
ne comprenait pas ce qu’elle avait et ne savait pas qu’elle était elle-même malade.
Dans tout ça, on doit trouver quel nom va avec quel visage.
Les mêmes noms de famille qui sont assurément leur propre nom de famille
portent une maladie dont le nom n’a pas toujours été adapté.
Il y en a plusieurs dans leur situation, même si c’est une maladie rare.
Le proposant désigne la personne atteinte de la maladie génétique à partir
de laquelle on fait le conseil génétique.
Les membres sont disproportionnés par rapport au tronc de l’organisme.
Un parent sain et un parent porteur qui se donnent.
C’est une affaire de division des cellules et de démultiplications des chances.
Pendant qu’on fait le Marfan, son nom de famille le porte au civil, mais on
ne se reconnaît pas tous et toutes quand on se croise dans le
département de pneumologie.
Différentes personnes, différentes manières, différents degrés.
Un autre du même nom complet qui est camelot, qui calcule mal ses profits
et qui parle comme un assistant de recherche en biochimie.
Un autre du même nom complet qui est un cardiologue
et qui parle comme un concepteur sonore.
Un autre du même nom complet qui est assistant de
recherche en biochimie et qui parle comme un camelot.
Un autre du même nom complet qui est concepteur sonore et qui parle comme
un amateur de sport de raquette.
Un autre du même nom complet qui est architecte
urbaniste en chef de l'État et qui parle comme un cardiologue.
Voudriez-vous avoir des enfants ensemble si vous saviez
que vous avez une chance sur deux de leur transmettre votre maladie ?
La question ! Réponds à la question imbécile !
Quack ! Quack !
Traduit de l'américain par Samuel Rochery
i
On retrouve le flic sous une tombe fraîchement creusée.
En fait le flic il est toujours vivant et il croque la vie à pleine dents.
Il tambourine contre le couvercle de la boite. Coucou.
ii
Chaque fois qu’on tire la chasse j’entends une voix.
On dirait la voix de Scully ou peut-être est-ce ma propre voix.
A mon avis l’une des deux doit être coincée dans les égouts.
iii
Mulder consulte tes mails j’ai reçu quelque chose de louche et je me demande si tu l’as reçu aussi.
Scully c’est une photo de toi que tu as là ? Dans ce sac il y a un alien. Un fœtus d’alien et c’est vivant.
Ce que tu regardes c’est l’amour que j’ai pour toi
iv
Un homme est mort, agent Mulder. Mort et plein d’un ADN alien.
D’ici à ce qu’on éclaircisse l’affaire, ton cul comme le mien sont sur un siège éjectable.
C’est quoi les affaires d’un petit cul pour les flics, cela dit ?
v
Tu vois ça devient vraiment compliqué
qui est mort et qui est vivant et qui
est pratiquement mort et à qui est cette
main qui s’accroche à mon pantalon est-ce
une main morte la main pleine de cloques
de Scully la main invisible les doigts qui
sortent de la paume des mains de Scully
nous vieillissons ensemble dans ce vaisseau
fantôme il y a des doigts qui sortent des
paumes de la main de Scully c’est une main
à sept doigts êtes-vous mort ou vivant me demande un flic.
vi
Ce que tu regardes c’est une série de clones de toi-même.
Et ils sont parmi nous
Et ils me donnent le bain
Et leurs yeux sont mes yeux
Et ils sont en train de me coloniser
Pour nettoyer mon corps de colonisé
Mon corps composé d’insectes
Et les grenouilles mangent les insectes et je m'éclate dans ma baignoire
Et je suis aussi l’ennemi
Ma baignoire est collante et sèche et dedans il y a un corps
Je me réveille pour utiliser les toilettes mais je n’y arrive pas
Toutes les nuits je retrouve de l’eau sur la cuvette des toilettes
J’ai peur de quelque chose
Quelque chose prend vie depuis le fond des chiottes par autogénèse
Poème paru dans la revue Diagram
Ce onzième numéro de Watts
a été achevé de coder
le 3 juin 2017,
sur l'ordinateur de Robert Watts.