Watts pratique 
la discrétion hexamétrique (#171717).
    Watts ne fait pas de la pub 
    pour les lunettes. 
   Watts n'a pas le goût des vers solaires.
   Watts n'a pas le goût des verres luisants.
   La poésie de Watts 
   n'a pas d'amour à donner 
   à l'amour de la poésie.
   Watts ne traverse pas la nuit plus que ça.
   Watts fait des néons exacts de langage.
   Watts est un long bug pensif.
   Watts est de l'électricité en barre
   sous économie
   d'énergie.
   Watts est le trou perdu
   qui manque
   à vos écrans.
    
La science-fiction est générale
mais on ne s'étonne plus
qu'un homme dans une grotte
ait un jour     dessiné     un bison
Ça s'agite pas mal ici
Il y en a un qui fait les cent pas dans le couloir 
en faisant mine de téléphoner 
suivi par un petit groupe 
Il dit qu'il connaît du monde au Pentagone et à la Mairie
Quand ils ont parlé d' « invasion » je n'y ai pas cru
parce qu'on nous montrait des créatures 
qui avaient surtout l'air épuisées et terrifiées
Elles s'extirpaient de vaisseaux crashés
blessées
en proie à des malaises
erraient sur les routes
Et puis il y a eu ces prétendus piratages 
qui montraient des opérations de bébés à vif
Celui qui replace trente sept fois
son couteau pour le mettre dans l'axe juste
se retrouve sous Inhibiteurs de la Fonction Poétique
et de la Recapture du Sens
alors que le prescripteur n'est pas davantage assuré
de ce qu'un mot veut dire
Il voudrait simplement dissimuler son insuffisance
en ramenant tout énoncé du type :
les flaques auto-référentielles sont des faux lacs aux torrents faits en ciel
à une influence des niveaux dopaminergiques
sur l'hémisphère cérébral gauche
ou autre monnaie verbale en usage
dans les dîners d'experts
du genre : pédé !
Les nuages d'aujourd'hui n'ont pas d'équivalent
L'éclipse thermo-climatique s'est installée pour de bon
L'humeur des chiens contraint les infirmiers à les museler
On se tient à l'écart les uns des autres
La moindre pensée de mort est devenue suspecte
Toute musique est inaudible 
Les plaies ne cicatrisent que dans des conditions particulières d'humidité 
Les décharges publiques sont devenues des lieux de sociabilité privilégiés 
Qui sont les véritables héros de la crise ?
L'univers est constitué à 96 % de poésie
- et non de matière et d'énergie noires -
et nous ignorons de quoi il s'agit
et ce non-savoir n'est pas suspendu à une élucidation prochaine
mais ce sur quoi il est dès aujourd'hui loisible de se fonder
Les scientifiques ont sous les  yeux depuis toujours
le moyen d'unifier les deux physiques
sachant qu'aucun calcul
- serait-ce virtuellement -
n'est hors de portée de langue 
Certains parlent d'une exo-planète dans l'orbite d'Arcturus
On m'a annoncé que j'allais avoir droit 
à une nouvelle série de séances de sismothérapie 
mais je sais qu'en vérité c'est pour extraire de moi 
l'énergie produite par les interruptions neuronales 
qui créent des micro-failles dans la réalité
Les symptômes sont variés 
aucun ne se détache vraiment d'un tableau confus
Les déambulations nocturnes sont devenues une nécessité pour beaucoup 
La science-fiction aujourd'hui
c'est comment ça tient
le mot et la chose
le langage et la parole
la poésie est la vraie science-fiction
parce qu'elle procède par à-peu-près
en courbant l'espace-langue
à partir d'un premier terme indicible
duquel
à l'intersection de superficie nulle
entre l'espace et le plan du possible
le vide émerge de la matière
Les premières « victimes » ont d'abord pensé au jugement dernier 
puis elles se sont mises à raconter des choses étranges 
[sur des mondes lointains 
à parler dans des langues inconnues 
avec des sons très inhabituels 
Quand elles revenaient à elles 
c'était pour dire que quelque chose 
tentait de se frayer un passage à travers leur corps
Et c'est arrivé
 
un peu plus tard
Il y a science-fiction quand on essaie d'imaginer l'impensable
- pas l'impensable de ceux qui définissent officiellement le pensable
mais MON impensable - 
Des aliments ont été oubliés sur la plage arrière des véhicules 
Quelques oiseaux de proie ont montré des aptitudes singulières
Il a fallu aménager les arrière-boutiques 
Depuis que le bourdonnement s'est accru
il n'a pas cessé une minute
Le monde a des acouphènes
 
De nouvelles odeurs saturent l'atmosphère 
elles ont dû elles aussi passer la porte des mondes
On a de la peine à manger
La rumeur veut que la première zone touchée 
n'avait qu'une superficie de quelques centimètres carrés
De nombreux cas d'hygiène compulsive ont été signalés en proche banlieue 
On parle d'un intérêt croissant pour les espèces protégées
J'ai entendu dire qu'il faut manger les animaux 
se les incorporer
en essayant de se représenter leur rapport au monde
en mâchant bien leur Umwelt 
leurs perceptions 
la façon dont ils écrivent leur histoire 
surtout les espèces rares, en voie de disparition
celles-là et pas les autres
se régaler de lynx, de visons, de guépards et d'anguilles
en alternant avec de délicieuses préparations vegan
ressusciter les dodos à partir de leur ADN 
pour les exterminer une deuxième fois
une fois de temps en temps
pour les fêtes
Pendant quelques heures un argot spontané a tenu lieu 
[de langue internationale
Émus par la justesse de ce langage 
certains se sont tu à jamais 
et ont découvert que l'analogie 
pouvait exister hors langage
comme chez le babouin
Il devient difficile d'affirmer avoir réellement vu un visage
Les flaques de boue émettent des vibrations semblables à des voix 
Un peu partout on condamne des portes sans raison apparente
Aujourd'hui on cherche du football sur Mars
sur les lunes de Saturne ou de Jupiter
on analyse le rayonnement fossile
du fond diffus cosmologique
au détriment du fond diffus orgasmique
 
du gaz phonique difforme
du faux raffut on dit : gimmicks
d'une fugace micro orchid 
du nom asthme qui fut dit fort
du fumasse corps de figue
du gars sismique dit or fondu
du corps-gaz au fond humide
des commissures d'aphide du gond
du geek face d'hormone
du gramophone du fisc
du cul d'origami du son zfdff
du kiff qui ramone fort l'idée fugue 
d'une fougasse en forme de MIG qui fondit
du fongique dimorphe ça oui
du fond gras qui fuit du mot dick
das die kun-fu de fourmigue
du fumidor di caguaz à donf
du marc de fion que fout gus
du fado orphique FM assidu 
du formica-onde j'ai suaiff 
du Midas fornique son : gufffff
du maffre sonique fondé sous digue
du phasme dorique fut-ce nigaud
du graphe maudit fond qui sue
du diaphr-gme suffoque du nose
d'une mycose aphone j'ai rediffuse
du sac à gonfidure dose FMI
du Fido quasi morgue-fondu
du frima au fils que du gonze
du format soufique NDG
du foirage du don de SMIC fou
du zorg ionique Maffusd
du ragot de fusion d'Mike F.
du fromage d'onde physique HI-FI
du Sadium orgonique uhhfff
(Pour plus d'infos sur Fernand Fernandez : www.fernandfernandez.org)
On peut pas
se fier
aux vidéos virales
pour se faire une idée
d'une culture
sinon tous les Russes
 
monteraient un ours
- Une experte du web, au bord du fleuve Saint-Laurent, 21h55
•
      
      
      sa mère est hôtesse
de l'air
c'est sûr 
qu'elle couche ailleurs
c'est pas un métier
pour avoir une famille
- Ado rempli de conviction, 16:45, Berri
•
      
      
      C'est les mêmes couleurs
que les pilules
à Monique
- Une fresh pauvre calant son 2L de Pepsi, en parlant des Feux d'artifice.
•
      
      pis pour le gars
les shows
ça le laisse froid
comme dans
chaud
 
et froid...
- Gars au mauvais jeu de mots, ETS, 14:25
•
      
      How can this
lady
wear high heels
at the airport
she would fall
unless you
push her
- Un couple dans la fin 50aine, dans la file des douanes, aéroport français, 5h55 du matin
•
      
      les vêtements
sont tous pareils
dans les aéroports
achète jamais du S
tu ne rentres pas
dedans
- Une fashionida à ses amis, Istanbul, 19h26
•
      
      maudit
que ça marche
 
lentement 
les vegan
- Un gars à la sortie du Parc Laurier, 20:47
•
      
      Jeanne
 
d'Arc
 
dégueulasse
 
...
 
Tsé
  
Arc
 
comme
 
ark
 
comme
  
dégueulasse
 
 
- Le dude à l'Esco, 18:06
•
      Celui qui m'a fait
mon rapport
d'impôts
est décédé
Désolée
y pourra pas
vous le faire
cette année
moi chu pas
morte
- Dame des impôts, 2e cubicule, 13h06
•
      
      I like
your
character
is she
single?
- Un opportuniste qui regarde
une fille pratiquer son personnage de théâtre, Café, 17:05.
•
      
      - hey sylvain
comment
 
on appelle ça
les petits kayaks
qu'il y a
 
à Venise
- je crois qu'on dit
des gondoles
- Le collègue de classe, dimanche, Jean-Brillant, 15h13
(Extraits des travaux d'espionnage de M., S. & V., blogueurs poètespions basés à Montréal. Pour plus d'informations
sur leurs activités, rendez-vous sur leur page facebook)
    
J’écoutais, dans le U-Bahn richtung Spandau,
      Barthes, sur le désir intransitif, multiplier les mentions
      de la drague (qu’il dit être ailleurs une sorte de " voyage
      du désir " ), parler des rapports d’atelier et des sacres secrets
      du tangible, des écrans de l’intention à travers lesquels tout
      le cours progresse, et je lisais Dante expliquer sa technique
      de dissimulation de son amour pour B. (à B. aussi) : la diversion
      par dame-écrans. Le principe est simple : on se sert d’une autre
      dame que celle désirée, on en fait l’objet d’un amour simulé
      mais aussi d’une drague ostensible, afin de repousser le trouble
      que la publicité de notre émoi réel susciterait.
      C’est Amour en personne qui suggère au grand D. cette technique,
      avant de, l’appelant mon fils en latin (comme si soudain Amour c’était l’Église),
      lui dire finalement on arrête ces simulations.
Fiston, l’est tempus di
cesser les nostrés simuli
(simulacra nostra : les dames-écrans)
qui font ne se jamais taper
que celles qu’on s’est choisies pour damécrans
(et même tutte le damécrans le donne quale)
font chialer comme un pargolet
battu, nu si privé des charmes
de schermer tant’ amor
certe donne (quelques pixelles qui font écrans
cambrent la donne, certes, changent les celles
qui dissimulent mais ne changent pas la dame réelle
(causa nostra : donne réelles)
plutôt cachent la (celle-ci frissonne,
me donne raison) mais dilloci
(dis-le, avoue, vas-y
diloche mon vieux,
crache dis le nom d’icelle
que dissimulent les pixelles).
Ce poème est divisé en trois parties.
La deuxième partie va de certe donne à dilloci. Dans ce poème,
j’ai considéré une vie sentimentale qui pousserait au bout masochiste
la pratique des dames-écrans, soit : se les faire, et plutôt toutes qu’une.
Les damécrans, qui sont le signe du report du désir transitif direct sur
des objets indifférents, dissolvent alors le transit, faisant du voyage
lui-même un écran au désir. Les femmes deviennent du donné,
c’est dix donne pour un rendu – un rendu de pixelles grossies comme
des ailes papillonnes, homologues de celle aimée et par Amour
homologuées, tant que paraîtront analogues. Là-dessus confortation
du sentiment que Barthes et Jacques sont homologues, aussi :
partageant une caractéristique (un stupre global) qui prend
des formes différentes (la préciosité chez Barthes, la loubardise chez Chirac)
et sert des fonctions différentes (la déformation du sens au profit du désir,
chez Barthes ; la conformation du sens au profit du désir, chez Jacques),
et induit des rapports différents à l’écran.
(Extrait de Rimes chiraquiennes, Crise de prosimètre, lisibles
en intégralité sur le site de l'auteur : www.testanonpertinente.net)
    
    
La réduplication stricte (au plan morphologique) est, en fait,
    un simple duplicata de "mot" qui aggrave le foutoir dans toutes les langues.
    Exemples tirés du sentiment international du foutoir du monde :
• En soninke :
« nàn fiti fiti » : bouger dans tous les sens.
• En rwanda :
« ndashaakashaaka urufuunguuzo » : je cherche partout la clé.
• En français :
« poétique-poétique » : ouais, vaguement poétique.
En gros, la rhétorique est trop timide ou carrément démissionnaire
quant au sens qu’on peut donner à l’itératif de la duplication : fiti fiti, shaakashaaka,
poétique-poétique, n’arrangent absolument rien au fait que je sois 1) désorienté, 2)
que j’aie perdu mes clés, et 3) que je m’emmerde avec mes cordes lyriques.
Je suis désorienté et - comme si ça ne suffisait pas - je pars dans tous les sens.
Je cherche mes clés mais je ne sais pas choisir une direction.
Je « fais de la poésie » mais je ne fais rien de la poésie.
En soninke, rwanda, français : t’es dans l’ambiance.
Il y a dans cette bizarre « réduplication » - « duplication » suffirait
à rendre compte de ce qui se passe morphologiquement - tout l’enjeu
prometteur de l’exactement contraire de sa définition rhétorique.
Parce qu’il s’agit moins de décrire une langue que de décrire le langage,
peut-être. Une description du langage, non une description linguistique des langues,
consisterait à parler provisoirement comme ça (pré-poésie à partir d’un choix politique
- je verrai le poème plus tard) :
Une re-duplication c’est :
 « non, la copie n’était pas encore la tienne,
refais-la. Cherche un peu mieux tes clés. Concentre-toi. Fais quelque chose de la poésie. »
(Extrait du blog de l'auteur http://poesieprisesalternatives.srwebworks.com)
Les crises moustiques
arrivent 
à tout âge.
Les crises moustiques 
sont des niaiseries subites
au niveau du coeur.
On dit :
des poèmes moustiques,
des élans moustiques,
des penchants moustiques,
des terreurs moustiques,
des effusions moustiques,
des fusions moustiques,
des infusions au moustique.
Mais du coeur c'est surtout 
la partie technique
qui est intéressante.
Tu te fais mal avec du vide.
Tu te fais mal avec du beurre.
C'est pas bon pour le coeur.
C'est pas bon pour c'que t'as.
Les dernières analyses de la crise moustique
ont attribué le dysfonctionnement du coeur
à une défaillance cardiaque.
C'est très bien comme ça.
(Extrait d'un travail en cours, "Crise moustique" est la première publication de l'auteur.) 
Traduit de l'américain par Samuel Rochery
    
    Dans le futur il y a un globe oculaire. Dans le futur, une patate. Dans le futur,
    un stade. Dans le futur, un aéroport. Tout bouge dans tous les sens, et vite, mais uniquement
    en ligne droite dans le futur. Dans le futur, de l'espace aussi. Les choses viennent
    séparément et se rabibochent très facilement dans l'espace dans le futur.
    Je n'ai jamais observé quelqu'un d'aussi près que je t'ai observé dans le futur.
    Là-bas tu es une cellule. Savais-tu que là-bas j'étais aussi une cellule ?
    Je suis aussi une cellule là-bas. Et si tu regardes bien, dans le futur : une centaine de familles
    meurent toutes ensemble dans un tram. Dans le futur il n'y a pas de commencement parce
    que nous sommes trop loin pour le voir.
    Nous sommes trop petits. Nous faisons de la couture. Nous déplaçons des paquets. Nous branchons des trucs.
    
    
    
    Je t'entends dire quelque chose depuis une grande roue.
    Je mange une orange dans un petit bateau sur la mer salée.
    Les endroits où nous avons posé nos corps jusque-là paraissent insensés.
    Nous faisons des vœux sous la super-lune, et puis nous attendons.
    Je suis une fille et tu es un garçon. C'est la même chose. Ce que je veux dire :
    nous faisons tous les deux des listes avec une seule chose dedans.
    La mienne, c'est que je veux juste te détacher.
    
    
    
    J'ai senti que c'était important pour moi de faire ce qui n'était pas bien.
    Quand je disais que j'avais tort, j'avais tort.
    J'ai eu tort dès l'instant où j'ai ouvert la bouche,
    dès l'instant où je l'ai ouverte même la toute première fois,
    et même avant cet instant. C'est bien ce sentiment-là.
    Le sentiment de se sentir dans le vrai en se sentant dans l'erreur.
    J'étais une fille, une laisse à la main, avec un loup au bout, et dans sa gueule
    il y avait un oiseau blanc qui battait vigoureusement de ses ailes rouges et mouillées
    dans les crocs rouges du loup. Un oiseau n'est qu'un putain de machin de plus.
    (Extrait paru dans la revue en ligne Interrupture, octobre 2013. Plus d'informations sur l'auteur ici :
    http://www.poetryfoundation.org/
    bio/zachary-schomburg
Grosse couche de peinture sur toile
      Signée, fine tranche de jambon, grosse
      Couche de peinture sur toile
      L'étiquette indique la date, le nom, le titre
      La technique
      Le propriétaire la
      Grosse couche de peinture sur toile m'apartient tant
      Que je suis debout et
      Son propriétaire absent et
      Le nom de l'auteur, absent
      
      Grosse couche de peinture près d'une grosse couche de
      Peinture sur toile
      L'une est signée, l'autre est parfaite
      Je les possède tant que je suis devant et
      Des yeux, même fermés, tant que je tiens
      Devant il y a la vue d'une grosse avec derrière une
      Grosse couche de peinture
      Elle est à moi la grosse elle montre son cul
      Elle chuchotte magnifique, le tableau
      Je dis oui, je l'ai peint pendant la guerre
      Reste muette z'êtes Picasso ?
      J'dis oui j'suis immortelle,
      Elle reste muette son regard
      Gauche droite
      De la folie elle dit c'est incroyable j'croyais que
      Picasso, c'était un homme
      J'reste muette regard droite gauche gauche droite
      Droite gauche
      Je dis madame, je suis un homme
     
      (Extrait d'une série intitulée "pluriel poème",
      lisible sur le site web de
      l'auteur :http://cargocollective.com/edanon)
      
      
      
      
Avant, 
ce poème 
comptait 
cinq vers.
Avant,
ce poème
comptait
un vers
de moins.
Ce premier numéro de Watts 
a été achevé de coder 
le 11 août 2015,
    sur l'ordinateur de Robert Watts.